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Droits humains : et si tout commençait par l'action locale ?

Droits humains : et si tout commençait par l'action locale ?
A l'occasion de la Journée Internationale des Droits de l'Homme, Frederik Claeyé et Christel Dumas, professeurs et chercheurs à l'ICHEC, explorent comment ces droits peuvent être intégrés dans la vie quotidienne et dans la formation des futurs managers.

Et si tout commençait par l'action locale ? 

Les droits de l'Homme ne sont pas qu'une belle idée abstraite. Ils sont essentiels, accessibles, et surtout : positifs. C'est le message de la campagne des Nations Unies cette année. Essentiels, parce qu'ils font partie de notre vie de tous les jours, on ressent leurs effets au quotidien. Positifs, parce que les droits de l'Homme ne font pas que protéger – ils apportent aussi joie, bonheur, liberté d’être soi-même et sécurité dans nos vies. Accessibles, parce que les défendre n'a rien d'extrême : c'est simplement prolonger les valeurs que vous avez déjà. Et cette approche encourage l'action de chacun.

 

Des grands défis à l'action locale

Discriminations persistantes, violations de la dignité au travail, accès inégal à l'éducation et aux soins, exploitation dans les chaînes de production, atteintes à la liberté d'expression... Face à l'ampleur de ces défis, on se sent facilement impuissant. C'est particulièrement vrai chez les jeunes générations.

La recherche en management appelle ces enjeux les "grands challenges" et analyse comment différents acteurs : organisations, pouvoirs publics, collectifs citoyens , collaborent pour les affronter. Trois caractéristiques sont centrales : leur interconnexion (tout est lié), leur fluidité (ils évoluent constamment) et leur caractère paradoxal (les solutions simples n'existent pas).

Cultiver le sentiment d'agence : un enjeu pédagogique

Face à ces défis écrasants, un concept crucial : le sentiment d'agence.

L'agence, c'est ce sentiment de pouvoir agir, ici et maintenant. C'est comprendre que nos actions font la différence. C'est le contraire de l'impuissance. Et c'est précisément ce que l'enseignement supérieur en gestion doit cultiver. Pour une école comme l’ICHEC, développer cette capacité chez nos étudiants est essentiel, notamment en créant un environnement où ils peuvent être eux-mêmes, poser des questions, douter, expérimenter.

Pourquoi ? Parce que sans ce sentiment d'agence, deux dangers guettent : le repli sur soi et la passivité, voire la dérive vers le complotisme ou l'extrémisme pour ceux qui cherchent désespérément un sens d'action.

Parler d’authenticité, de bienveillance ou de sécurité psychologique n’a rien de naïf : ce sont des conditions élémentaires de la participation. Elles relèvent aussi, très concrètement, des droits humains au quotidien : le droit d’être entendu, d’être traité avec dignité, de pouvoir participer à la vie collective sans crainte.

La stratégie des petites victoires

Une piste concrète : la "stratégie des petites victoires". Plutôt que de viser immédiatement le grand changement, cette approche encourage à identifier ce qui dérange localement, à nommer ce qui ne va pas, à décomposer les problèmes en actions gérables, et à créer un effet d'entraînement par l'action collective.

Des actions locales modestes qui, mises bout à bout, créent un changement systémique. Des rivières polluées qui revivent grâce à des initiatives locales. Des communautés qui se transforment par de petites actions atteignant une masse critique. La culture d'une banque qui évolue par la création d'une obligation verte.

Former des managers au service des droits de l'homme

Les écoles de gestion ont un rôle à jouer. Former des managers responsables, c'est leur apprendre qu'être au service des droits de l'homme dans leur métier futur commence par reconnaître leur propre agence. Concrètement ? En développant des compétences pour un avenir plus durable : exercer un recul critique, concevoir des futurs souhaitables, apprendre à décider, à entreprendre, à communiquer, à collaborer dans un contexte d'incertitude.

 

Les droits de l'Homme se pratiquent au quotidien

Car c'est bien là l'essentiel : être au service des droits humains dans une organisation, ce n'est pas uniquement se référer à un cadre juridique ; c'est intégrer, dans son travail quotidien, la dignité, la participation, l'équité et la soutenabilité. Ils se travaillent au jour le jour, de façon locale. Ils se pratiquent dans chaque décision managériale, dans chaque projet entrepreneurial, dans chaque interaction professionnelle.

Où qu'ils soient demain, les étudiants d'aujourd'hui peuvent contribuer aux droits de l'Homme par des actions concrètes dans leur sphère d'influence. À condition qu'on leur ait d'abord donné ce sentiment fondamental : celui d'avoir le pouvoir d'agir.

C'est précisément dans cet esprit que s'inscrit la mineure citoyenne qui vient d'être lancée en BAC2. En invitant les étudiants à travailler sur des enjeux sociaux réels, au contact d'acteurs de terrain, elle crée les conditions d'un apprentissage engagé : analyser une situation complexe, mobiliser des outils, collaborer avec des parties prenantes diverses et expérimenter des solutions faisables. La mineure permet de relier des principes comme la dignité, la participation, l'équité, la soutenabilité, à des pratiques concrètes.

Elle montre aussi qu’une action locale, réfléchie et bien structurée, peut contribuer à des transformations plus larges. Et que l’enseignement du management, lorsqu’il s’ancre dans le réel, devient un levier pour faire vivre les droits humains au quotidien, là où nos étudiants auront un impact.